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Davina, une belle histoire...
Rares sont les exemples d’ingénieurs du son passant de l’autre côté de la console pour vendre des disques par millions dans le monde entier... Davina, jeune chanteuse américaine, vient de réussir cette gageure avec “Best of the both worlds”, un album mêlant hip hop, ambiances funk des années 70 et soul/jazz. Rencontre avec la Belle... Davina naît à Detroit au milieu des années 70. Très jeune, elle s’intéresse à la musique : son frère aîné joue du piano, et elle l’imite dès qu’il quitte son clavier. Comme il possède également une discothèque bien fournie, Davina chante vite par-dessus les disques de Pat Benatar, Steve Parry, Journey, imitant les moindres inflexions de ses chanteurs préférés. Elle écoute aussi Rush, Stevie Wonder, Donnie Hathaway, bref un mélange de rock, soul et jazz qu’on retrouvera plus tard, bien assimilé, dans son premier disque !
L’école du son
Bien vite, Davina se met à inventer des morceaux : “Quand je dormais, j’entendais des lignes de basse, mais je les chantais tellement mal ensuite au bassiste chargé de les rejouer qu’au final, j’ai dû moi-même me mettre à la basse, en autodidacte !”. Là encore, sa connaissance approfondie des disques de Chic, par exemple, influencera ses compositions. Davina, qui n’a pas encore dix-huit ans, devient vite “songwriter” amateur, et à ce titre, commence à fréquenter les petits studios de Detroit. Rapidement, elle se rend compte qu’entre ce qu’elle a entendu dans le studio et ce qu’elle écoute chez elle sur la cassette de démo, il existe une certaine différence de son... “Je ne comprenais pas pourquoi, et j’ai voulu savoir - résultat, je me suis vite retrouvée derrière la console, à poser des questions, à regarder ce que faisait l’ingénieur du son pour obtenir tel ou tel résultat. Comme je voulais vraiment apprendre, j’ai vite progressé.
Un beau jour, l’ingénieur du son, Bernard Terry m’a dit “Viens au studio, il n’y a personne, je vais te montrer des trucs...”... et je me suis retrouvée toute seule à la console, face à une vraie séance avec de vrais clients, de vrais musiciens : il m’avait bien eue ! Cela dit, je me suis débrouillée, tout s’est bien passé, et ça m’a donné envie d’en faire mon métier”. Davina entre donc dans une école de son à Detroit, et se concocte en parallèle un home studio assez bien équipé (ADAT, Alesis 1622, Fender Rhodes, Ensoniq VFX, Akai MPC2000, plusieurs expandeurs...) dont la plus grande partie disparaîtra malheureusement lors d’un cambriolage. Elle s’en sert essentiellement pour maquetter des chansons, et cultive ses talents de “songwriter”, au point de créer, à Detroit, un petit label plutôt dance et house, où elle est tout à la fois PDG, productrice, ingénieur du son, attachée de presse, qui lui permet de racheter environ 20000 $ de matos...
De Detroit à Los Angeles À la fin de son cursus, Davina décide d’aller tenter sa chance à l’Eldorado des ingénieurs du son US : la Californie ! Elle trouve rapidement du travail dans deux ou trois studios, puis se fixe au studio PMP de Los Angeles, un studio rap coté où elle travaille, entre autres, avec Coolio ou d’autres stars du style. Il ne s’agit plus ici des “petites” séances de Detroit, mais d’albums, avec un enjeu commercial, une vraie pression artistique et psychologique. “J’ai découvert ces séances où tout le monde est dans son truc, et même si tout va bien et si le son est super, l’ingénieur du son n’est rien pour les producteurs...”. Il n’existe pas de meilleur endroit que la console pour découvrir sur le vif comment travaillent les musiciens, comment se crée une chanson : voir les artistes se tromper, chercher, s’énerver, essayer, recommencer, se perdre, puis enfin trouver. Ceci est très formateur pour notre Davina, qui a dû entre temps, coût des loyers oblige, revendre les trois quarts du matériel de son home studio (dont son Fender Rhodes, pour 250 $ !) pour payer son loyer à L.A.
Il n’est pas rare, à PMP, que des séances soient annulées au tout dernier moment. Dans ce cas, Davina ressort ses bandes, ses claviers, et passe la journée à travailler sur ses propres compositions : elle y assure tout, les claviers, la basse, les programmations rythmiques, et les voix témoin, et, si elle n’envoie pas de cassettes aux maisons de disques, elle n’hésite jamais à faire écouter ses “œuvres” aux producteurs qu’elle croise au studio... L’un d’eux, qui travaille beaucoup pour Loud Records (le label de Coolio), passe la voir un jour en cabine, juste au moment où elle travaille sur une de ses chansons personnelles. Il écoute, craque et ne la laisse pas en paix tant qu’elle ne lui fait pas une copie cassette du titre - qu’il fait écouter en haut lieu.
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